LA LOOSE EST IMMORTELLE ET NE S'ENCONCOMBRE PAS DE VANITE
Now I lay me down to sleep,
I pray the Lord my soul to keep.
If I should die before I wake,
I pray the Lord my soul to take.
ALGÉRIE
Octobre-Novembre 2012
Sur les traces d’Albert-le-Solaire
Prologue – Jeudi 25 octobre
Demain, moi et mes deux frères Brice et Greg, nous partons pour une semaine en Algérie, pour visiter nos parents qui y vivent depuis maintenant quelques mois (mon père y réalise une mission scientifique sur la pêche, pour le compte de l’Union Européenne, mais j’ai l’impression qu’il joue surtout au Solitaire, en fait).
Ce sera des vacances en famille, comme nous n’en avons plus eues depuis celles à Hong-Kong en décembre 2010.
Bref, comme j’ai la garde du chien depuis quelques semaines, et comme nous partons tous, pas possible de refiler Toto à mes frères. C’est pourquoi, ce soir, Greg et moi allons déposer Toto chez un ami, Benjamin, qui va le garder pour la semaine.
Je récupère aussi du matos pour ma mère, notamment une glacière pleine de charcuterie. Ramener ça en pays Musulman juste pour l’Aïd-el-Kebir, je sens que c’est une belle et grande idée.
Après une énorme raclette chez Benjamin, je rentre tard chez moi pour faire les bagages.
Vendredi 26 octobre
Ce matin, boulot. Mais je ne force pas trop, car j’ai pris mon après-midi, et que je n’ai pas vraiment la tête à travailler.
Je quitte le taf vers midi, un peu à la bourre. Je passe rapidement à l’appart pour récupérer mes bagages, puis je saute de justesse dans le RER. J’ai un énorme sac, une valisette, plus la fameuse glacière. Mais au final, je n’ai que deux T-shirts, deux caleçons, un maillot et quelques chaussettes. Tout le reste n’est qu’obscures marchandises « impies » pour ma mère…
Changement à Saint-Michel, RER B, puis OrlyVal (c’est hors de prix, ce truc, je conseille vivement aux voyageurs d’étudier l’option OrlyBus).
J’arrive à l’aéroport le premier, vite suivi par mes frères. Nous enregistrons les bagages sans soucis au comptoir d’Aigle Azur (330€ le billet A/R + 85€ de visa).
Ça n’a pas raté, quelques personnes nous ont demandé d’enregistrer du poids à leur nom. Poliment, j’ai dit non.
Petit McDo en salle d’embarquement, puis décollage avec un petit quart d’heure de retard, dans un minuscule A319.
Nous atterrissons à l’heure à Alger (Algiers, comme on dit ici). Nous arrivons en fin de journée, ce qui nous a permis de voir un peu les environs avant l’atterrissage, et ça nous a paru beaucoup moins aride qu’on l’imaginait. C’est joli.
Nous récupérons rapidement nos sacs, et je suis soulagé de voir que la glacière pleine de cochon ne s’est pas éventrée devant un docker Musulman…
À la douane, nous découvrons, stupéfaits, une horde de Chinois avec passeports de travail, qui monopolise les douaniers. Nous attendons une heure, péniblement, mais tranquillement. Les Algériens, eux, pètent un câble. Je les comprends.
Les Chinois fournissent une part très importante de la main d’œuvre en Algérie, notamment sur les chantiers, et pourtant on ne les voit presque jamais : ils sont reclus, entre eux, dans des préfabriqués sur les chantiers. Des rumeurs disent que les chats ont disparu des environs des chantiers où travaillent les Chinois…
Une fois les formalités passées, nous retrouvons les parents dans le hall, qui sont accompagnés de Mokhtar, le chauffeur de mon père. Le trajet vers la maison prend une bonne demi-heure, de nuit. Nous découvrons les environs.
J’adore cette sensation de filer, la nuit, à travers un nouveau pays, fraîchement débarqué de l’avion. La dernière fois que j’ai vécu ça, c’était en Inde, avec Brice, où nous partions pour trois semaines de folles galères…
Nous arrivons donc à la maison, dans un quartier d’El Biar, sur les hauteurs d’Alger. Il y a plusieurs autres maisons dans ce « complexe », qui appartient à un certain monsieur Bentoumi. Le tout est dans une enceinte fermée par quelques barbelés du plus bel effet. Il y a aussi Zico, un jeune rottweiler assez balèze, qui aboie très fort et dont Mokhtar a visiblement une peur bleue. Mais la bête féroce se couche finalement assez vite. C’est marrant de quitter Toto pour découvrir Zico… Surtout que monsieur Bentoumi a également un perroquet gris, comme le nôtre, ce qui laisse une drôle d’impression de copier-coller.
La maison est sympa, les parents sont bien installés, avec une belle terrasse qui donne sur la mer et Alger. Un poulet grille sur le barbecue, pendant que Zico court dans tous les sens, quémandant des caresses – tu parles d’un chien de garde !
Nous découvrons le pinard algérien, qui n’est en théorie pas mauvais, mais là, nous tombons sur une bouteille particulièrement immonde, plus proche du vinaigre que du vin. Ça picole assez dur, puis vient le temps de se coucher pour notre première nuit à Alger.
Samedi 27 octobre
La nuit fut correcte, sans plus. J’ai eu alternativement très chaud et très froid, et puis le canapé qui me sert de lit gratte horriblement. Du coup, je me suis levé relativement tôt.
Au petit-déj, il y a des croissants. Les Algériens aiment beaucoup les viennoiseries. Bon, il ne s’agit évidemment pas de nos croissants à nous, mais de toute façon on n’est pas venu pour ça. Et puis, ils ne sont pas immondes non plus, ces croissants. Il y a aussi tout un tas de gâteaux secs, plus ou moins réussis.
Nous partons à pied pour une balade dans la ville. Depuis les hauteurs d’El Biar, ça descend pas mal, à travers des ruelles pittoresques. Il y a des restes de mouton un peu partout, des cornes, des peaux et du sang, rappelant le « génocide » qui vient d’avoir lieu. Les gens sont très gentils et très polis, les automobilistes laissent toujours passer les piétons, et nous sommes tranquilles dans les rues, personne ne nous harcèle pour nous vendre des trucs ou nous faire visiter des machins. L’Algérie n’est pas un pays touristique, c’est certain, et en voilà les bons côtés.
Après une petite visite du centre, qui est presque désert, nous longeons le bord de mer, puis nous arrivons à la mythique casbah. Nous en remontons longuement les rues et ruelles. C’est très « mignon ». Malgré les gravats, les saletés et les maisons qui s’écroulent, l’ambiance est très agréable, et il y a une vraie beauté ici, malgré les restes de mouton.
Après la casbah, nous marchons longuement, harcelés par un vent glacé, le long de murs immenses et de barbelés : c’est l’Armée. Arrivés à un rond-point, Brice et moi prenons quelques photos de l’avenue qui descend vers la mer. Pas de chance, les photos sont interdites ici, les flics nous arrêtent. Je crains qu’on ne nous confisque nos appareils, mais les policiers sont très gentils et très polis : ils demandent juste à voir les photos, et nous font effacer celles qu’ils jugent problématiques. C’est de la parano pure et simple (il n’y a rien de stratégique sur nos photos, et si nous voulions vraiment prendre des photos, nous aurions des appareils minuscules invisibles et pas nos attitudes de touristes blaireaux). Mais bon, tant que c’est fait avec bonne humeur…
Lassés de marcher, nous appelons Mokhtar pour qu’il vienne nous chercher. En attendant, nous faisant halte à l’El-Aurassi, cet hôtel de luxe gigantesque et absolument désert, au design stalinien, qui surplombe la ville. Je sirote un Virgin Colada (Piña Colada sans alcool) pendant que les autres boivent une bière. L’ambiance est vraiment bizarre. C’est grand comme un aéroport international, et il n’y a personne à part les serveurs.
En 4x4, Mokhtar nous fait un peu voir le coin, et il nous emmène jusque Notre-Dame d’Afrique. C’est assez beau, et la vue est très belle, mais c’est fermé. Pas grave. Nous demandons à Mokhtar s’il y a des hammams dans le coin, car je suis assez fan de ce genre de truc, et j’aimerais bien tester ceux du coin. Il nous en indique quelques-uns, mais il n’est pas très loquace, et les infos restent assez parcellaires.
Nous retournons à la maison. Nous déjeunons tardivement d’une salade assez light. En effet, ce soir, Mokhtar nous offre le couscous et il nous a dit que ce serait super copieux. J’attends ça avec impatience ! Le reste de l’après-midi est dédiée au dieu de la glande et à la lecture.
Le couscous finit par arriver vers 21h. J’ai ultra faim, mais le couscous n’est finalement pas si copieux que ça. Et pas si fameux que ça non plus, je suis assez déçu. Mais ça fait quand même plaisir !
Dimanche 28 octobre
Je n’ai quasiment pas dormi de la nuit. Foutues insomnies. Et comme je suis en vacances, je m’interdis de prendre mes somnifères. Du coup, c’est la galère… En plus, il a plu toute la nuit, ça n’aide pas vraiment.
Et ce matin, il pleut encore. Du coup, on est un peu niqué pour aller se balader. En attendant que le temps s’améliore, on se retrouve de corvée : devoir trimbaler un énorme matelas (jamais vu un truc aussi titanesque) dans les escaliers, sous la pluie et avec un Zico déchaîné qui hurle et qui court dans tous les sens. Super.
La météo s’améliore l’après-midi, nous permettant de sortir un peu. On visite le « parc de loisirs », on zone dans les ruelles, on fait quelques musées (qui ne sont ridiculement pas chers, et pas trop mal).
On essaie le métro, flambant neuf, conçu par la RATP, et mis en service à peine quelques semaines plutôt. Il est très bien (meilleur que le nôtre !), mais aussi très cher, et du coup il est absolument vide. On descend au « jardin d’essais », un parc botanique. Pas de bol, il est fermé. Mais le garde, très gentil, nous laisse quand même entrer. Imaginez la même scène à Paris, vous n’aurez pas la même conclusion…
Le jardin est très beau. Et étonnamment tropical. Pour un peu, à certains endroits, on se croirait en Thaïlande ou quelque autre pays asiatique sous les tropiques. Il y a quelques statues bien stylées, mais, fait étrange, il y a également des étourneaux morts absolument partout, parfois plusieurs au mètre carré. Il semblerait qu’ils aient été gazés. Pour le coup, à Paris, ça ne se serait pas passé pareil non plus…
En passant dans une allée pleine de bambous gigantesques, Brice pour LA question : « Et sinon, les bambous, ça pousse, en Algérie ? ». No comment ^_^.
En sortant du parc, on prend le téléphérique qui nous emmène au Mémorial du Martyr, une structure assez énorme (mais pas colossale non plus) érigée en souvenir des morts de la guerre d’Indépendance. Le style est très épuré, militaire. Pas fabuleux, à mes yeux.
Il fait froid, et j’ai les pieds absolument gelés, mais quand on se pose à la terrasse d’un café, je prends une glace comme l’abruti que je suis. Mokhtar vient nous chercher avec son énorme 4x4 et nous ramène à la maison.
Apéro, Zico, dodo.
Lundi 29 octobre
J’ai bien dormi, ce coup-ci. Faut dire que n’ayant pas dormi la nuit dernière… Bref.
Ce matin, Mokhtar passe nous prendre, nous allons à Tipasa. C’est à une heure de route. On se pose à la Corne d’Or, dans les restes d’un ancien Club Med qui a fermé à force d’être réquisitionné sans préavis par l’Armée.
L’endroit est plutôt chouette. Il fait beau. Nous nous baignons pour la première fois en Algérie, mais c’est un peu kafkaïen : on se laisse flotter dans 30 cm d’eau, prenant soin d’éviter les hordes d’oursins niqueurs de pieds (Oursinus enculei), et malmenés par les vagues, qui tapent assez dur. Le spectacle des murs d’eau qui éclatent contre les rochers et les falaises alentour est plutôt sympa.
Nous nous rhabillons, scrutés par des femmes voilées des pieds à la tête. Drôle d’ambiance…
Nous allons déjeuner dans un resto du village, à l’ombre d’une tonnelle, où nous sommes encerclés par des tonnes de chat qui se battent pour quelques restes. L’endroit est assez beau, nous avons vue sur les ruines de Tipasa, et c’est assez classe, d’autant plus qu’il fait encore beau. Papa commande des sardines, et le serveur fait cette étonnante remarque : « Vous êtes sûr ? Vous avez vu la tête de mes sardines ? ». Devant la tronche de celles-ci, il renonce, effectivement. Perso, je déjeune d’une entrecôte, pas fabuleuse, mais correcte.
Après le repas, nous allons donc visiter les ruines. Le site est très grand, très beau, en bord de mer. Les arbres sont marqués par le vent, les ruines et la terre ocre sont magnifiques sous ce soleil et ce ciel bleu. Nous marchons jusqu’à la stèle érigée en l’honneur d’Albert Camus, le philosophe, fils d’Alger dont Brice est un grand admirateur. Albert-le-Solaire, comme on dit dans la famille… L’endroit est beau, c’est indéniable. Michel Onfray aussi est venu ici, justement pour écrire son livre sur Camus.
Très étrangement, Greg et Maman qui avaient fait bande à part, ont fini la visite avant nous, alors que nous craignions de devoir les attendre pendant des heures. Une fois n’est pas coutume.
Sur le retour, nous faisons une halte au Mausolée Royal de Maurétanie, aussi appelé « Tombeau de la Chrétienne ». C’est un imposant cône de pierre, construit sur une petite colline qui domine les environs. Ce n’est pas très fin, mais c’est vrai que c’est impressionnant, et joli si on aime le genre. Je me fais la réflexion que ça ressemble surtout à un plat à tajine géant, en fait. Ça, plus une pseudo légende Atlante sur un sarcophage de cristal qui serait caché à l’intérieur, et il ne m’en faut pas plus pour imaginer une parodie d’Indiana Jones : « Algeria Jones et le Royaume du Tajine de Cristal »…
Retour à la maison, où nous dînons de fabuleuses côtes d’agneau. Mais, comme d’hab’, quand c’est bon, il n’y en a pas assez.
Mardi 30 octobre
Nuit moyenne. Foutue insomnie.
Aujourd’hui, nous partons pour les gorges de Chréa. C’est à 1h30 de la maison, et, malheureusement, c’est assez nul. Le parc est sûrement très bien, et il y a probablement de très belles balades à faire avec de superbes panoramas, mais c’est plus ou moins interdit. En tous cas, Mokhtar ne veut pas que l’on y aille. Du coup, bin on roule, et puis c’est tout. Et c’est très moyen. On s’arrête parfois sur le bord de la route, où des locaux exposent des paons (je n’ai pas compris le trip, apparemment, en Algérie, ils kiffent les paons), et où l’on peut se faire prendre en photo avec des poneys (des poneys qui mordent, attention). Il y a aussi quelques singes qui s’agitent. Rien de bien passionnant.
On s’arrête sur une petite aire, où l’on peut acheter toutes sortes de tajines, certains sont même à l’effigie de Bob l’Éponge, ce qui est assez surprenant il faut bien l’avouer. J’achète une tirelire en forme de ballon (un cadeau private-joke pour un ami). Et puis c’est à peu près tout. On prend le chemin du retour, brecouilles.
Mais plutôt que de rentrer directement à la maison, on fait un arrêt au port de Sidi-Fredj. C’est charmant. L’eau est très haute – ou alors les quais sont très bas, c’est selon –, du coup les bateaux sont presque dans le prolongement du sol. Je trouve ça assez sympa. Il y a un petit bras de mer qui passe sous une maison, ça fait me fait un peu penser à Venise, même si je n’y suis jamais allé.
Mais bon, c’est à peu près tout. En essayant de se poser à la terrasse d’un petit bar, un fou nous aborde. Je l’ignore royalement, mais c’est un peu relou.
Et, une fois de plus, sans raison, notre famille démontre sa capacité à s’engueuler pour un rien et à plomber l’ambiance. Tous fautifs, tous couillons… Pour la énième fois, je me dis qu’il ne faut plus jamais partir en vacances tous ensembles, parce que ça part en couille à chaque fois.
Bref. On rentre à la maison. Sur le retour, on croise une procession funéraire qui marche sur la route, ce qui fout un peu le bordel dans la circulation, il faut bien le dire. Il n’y a que des hommes, ça fait bizarre.
Autre bizarrerie : des enfants jouent au pistolet à eau sur l’autoroute, traversant la circulation au mépris du danger. Drôle d’ambiance. Il est à noter que, même lorsqu’il y a des passages protégés pour piétons (des passerelles au-dessus des routes), les Algériens préfèrent traverser la route directement. Cette prise de risque tout à fait absurde est vraiment étonnante.
Nous découvrons le Ministère du Développement Durable, qui est, en tous cas en apparence, absolument ridicule : de grandes colonnes grecques très m’as-tu-vu, à l’entrée d’un site protégé par des barbelés, trois lampadaires à panneaux solaires, et une espèce de drôle de mascotte-lézard sur les murs, qui ne ressemble absolument à rien. Très, très curieux.
Nous rentrons. Il est encore assez tôt, je propose donc qu’on essaye d’aller au hammam, mais personne n’est vraiment partant.
Bref, une journée assez merdique, au final.
Mercredi 31 octobre
Je me lève tôt, après avoir passé un mauvaise nuit à alterner entre le très chaud et le très froid. C’est quoi ce climat, sérieux ?
Il pleut, une fois de plus. Avec papa, on part quand même se balader en ville, en espérant notamment que la poissonnerie sera ouverte pour acheter enfin ces fameuses crevettes algériennes. Évidemment, c’est fermé. Apparemment, en Algérie, tout est fermé pendant dix jours autour de l’Aïd.
On essaye aussi de glaner des infos sur le hammam : ouvert, ou pas ? À quelle heure ? Difficile de savoir : un fou prostré sous la pluie nous empêche de rentrer dans le premier hammam, et le deuxième semble fermé.
Bref, c’est l’échec.
On zone sur la place Kennedy, on passe devant Kennedy Habillage. Apparemment, ils aiment bien Kennedy, ici.
On achète des fruits, puis on trouve une boucherie ouverte. On en profite pour choper des merguez, même si l’hygiène semble assez douteuse.
Retour à la maison pour déjeuner rapidement, puis, comme le temps s’améliore, on repart marcher en ville. Brice fait le guide avec un plan, et il s’en sort plutôt pas mal. On visite une nouvelle fois la casbah, on ne s’en lasse pas. Les coins tout mimi alternent avec les coins beaucoup plus crades, ça fait partie du charme.
Certains endroits sont tellement plein d’ordures que ça déborde et « dégouline » carrément. C’est ainsi que, de toits en toits, de terrains vagues en terrains vagues, des espèces de « glaciers » d’ordures se forment et s’écoulent au fil des ans, un peu comme la Mer de Glace des Alpes – mais dans un tout autre style bien sûr. C’est quelque chose qui nous amuse beaucoup Brice et moi, qui sommes devenus des sortes de spécialistes du trash-tracking lors de notre voyage en Inde.
Nous croisons deux hommes, qui nous saluent et nous expliquent être des policiers en civil. Nous les recroiserons plusieurs fois, comme s’ils étaient toujours sur nos pas. Ce qui n’est pas du tout impossible : ici, les étrangers, les occidentaux, sont surveillés (dans le bon sens du terme : ils sont protégés, les Algériens ne voulant pas revivre certaines horreurs du passé).
J’essaie d’entrer dans un hammam pour quémander des infos, quand un passant m’interpelle depuis la rue. Il m’explique gentiment qu’à cette heure là c’est réservé aux femmes, et me dit de repasser vers 17h. Merci pour l’info !
On visite le palais de Hassan Pacha. C’est vraiment beau, et quel contraste avec certains endroits du coin !
Dans la rue du Soudan, on passe devant une série de hammams. Je me dis que j’ai trouvé le coin parfait, il faudra juste revenir plus tard.
Induits en erreur (mais pas par malice) par des enfants, nous nous retrouvons à visiter un musée bizarroïde en plein milieu de la casbah, qui expose des sortes de tajines étranges. Pourquoi pas. Je remarque aussi que le musée, comme à peu près tout à Alger, regorge d’extincteurs gigantesques tous les deux mètres. Soit la règlementation est absurde, soit les gens ont été traumatisés par un incendie, soit les deux, soit autre chose, mais c’est assurément bizarre.
Sur le chemin du retour, on se paume un peu, puis on décide d’appeler Mokhtar car maman n’en peut plus de marcher. Nous voilà donc dans un coin moche, à attendre comme des cons sur un muret, au bord de la route. C’est un peu kafkaïen. On décide donc de pousser jusqu’à l’El-Aurassi, histoire de boire un coup en attendant.
Mokhtar finit par arriver, mais ce fut long à cause de la circulation. Le retour à la maison sera lui aussi ultra long. Je suis persuadé qu’à pieds on aurait gagné une heure… C’est impressionnant de voir comment les routes s’engorgent soudainement vers 16h30-17h, quand les gens sortent du travail.
Jeudi 1er novembre
C’est la Toussaint Rouge, aussi appelée Toussaint Sanglante, en rapport aux attentats du 1er novembre 1954, qui tuèrent sept Chrétiens (et aussi deux Musulmans), en forme de « prologue » à la guerre d’Algérie. Bref, ça ne donne pas très envie à mon père d’aller en ville, et en plus il fait à peu près beau, alors nous partons pour la plage d’Aïn Taya, à environ quarante kilomètres d’Alger.
Le soleil n’est quand même pas très vaillant, et il y a beaucoup de vent. La mer est déchaînée et nous empêche de nous baigner. Nous nous baladons donc un peu sur la mer, marchons jusqu’au « port », où des vagues monstrueuses éclatent contre les blocs de béton. Une barque est là, détruite, à moitié ensevelie dans le sable, tandis qu’un chauffe-eau fatigué roule sur le sable au gré des vagues. Entre deux petites anses, des décharges à ciel ouvert et des Rio Merdo apportent une petite touche folklorique aux maisons en parpaings effondrées.
Nous pique-niquons, puis nous décidons de nous « mouiller », à défaut de nous baigner. Avec les frères, nous nous allongeons donc sur le sable, sur la trajectoire des vagues qui remontent la pente. Nous inventons une nouvelle discipline pseudolympique, qui consiste à se faire démonter la gueule par les vagues à même le sable, en équipe, en faisant des « figures » : démontage facial, latéral, diagonal, full-frontal, etc. C’est marrant mais ça nique quand même bien la gueule, et puis le sable est méchamment abrasif. C’est très con comme jeu, mais que voulez-vous, il faut bien s’occuper sur cette immense plage.
Lassé de ces jeux stupides, je me pose sur ma serviette et reprends la lecture d’un roman assez amusant : Requiem pour un clou, d’Olga Lossky.
Lorsque nous rentrons à la maison, il est encore tôt, et avec Brice nous n’avons pas vraiment l’intention de moisir tout l’après-midi. J’ai par ailleurs le plan sournois, dont je ne démordrai pas, de retourner à la casbah pour tester le hammam.
Toussaint Sanglante ou pas, nous flânons donc dans le quartier colonial, qui est aujourd’hui infiniment plus animé que les autres fois où nous y étions allés. En fait, ça a beau être férié, tout, absolument tout est ouvert, ça commerce dans tous les sens et les terrasses sont bondées. L’ambiance est très sympa.
Au détour d’une rue, nous tombons sur un bébé dromadaire empaillé. C’est mal fait, répugnant, triste et définitivement creepy.
Sur le téléphone portable de ma mère que j’ai emprunté, je reçois un SMS célébrant le début de la guerre. Ambiance…
Nous nous hasardons dans un truc un peu bizarre, le Centre Culturel Moudjahid, où des tableaux sanglants récapitulent la guerre. Nous tombons sur un type gentil, qui nous fait une visite rapide. C’est sympa, notamment le grand patio avec ses arbres gigantesques, mais j’ai peur que la petite visite ne dure des plombes. Mais non, ça va.
Je demande, l’air de rien, si les hammams du coin sont ouverts, et comment ça se passe. Il nous dit d’aller voir à la casbah. C’est bien mon intention…
Touchés par la Grâce Divine, nous nous laissons donc guider par la Force, et nous entrons dans un hammam qui a l’air accueillant, dans les environs de la rue du Soudan.
Un jeune homme qui discutait avec ses amis devant le hammam décide de nous aider dans les « formalités », et nous explique gentiment comment ça se passe. Il fait l’interprète pour nous, et nous voilà culs nus, enroulés dans un drap immense et tout raide, équipés de vieilles tongs défoncées, dans la salle d’eau, où il règne une douce chaleur.
C’est très sympa. Bon, ce n’est clairement pas le grand luxe (rien à voir avec le hammam de la Mosquée de Paris, par exemple) mais justement, ça fait plaisir aussi de tester un truc bien local. C’est délicieusement roots.
La salle est grande, le plafond est bas et voûté. En plus de nous, deux hommes sont en train de faire leurs ablutions. Nous nous allongeons maladroitement sur la « pierrade », une petite dalle en marbre chauffée par la vapeur qui passe dessous.
L’un des deux hommes, voyant bien que nous ne sommes pas du coin, décide très gentiment de nous introduire aux us et coutumes du hammam.
Me voilà donc, allongé par terre, le visage plaqué dans une flaque d’eau savonneuse à la propreté douteuse, pendant que le vieil homme est arc-bouté sur moi, me massant et me faisant craquer toutes les articulations. C’est très physique, et comme il ne parle pas un mot de français, je hurle de plus en plus fort, à mesure que mes muscles s’étirent, pour qu’il sache quand arrêter la torture. Brice assiste au spectacle, amusé mais un peu désœuvré, se demandant probablement s’il sera la prochaine victime.
L’homme me fait signe de me retourner. Je m’exécute. Mais il me refait signe de me retourner. Me voilà donc à avoir fait un tour complet dont l’intérêt m’échappe, à moins que je n’aie rien compris, ce qui est fort probable. L’homme me frotte avec le savon, et me martèle le dos puis les jambes. Il me retourne, s’allonge contre moi. Ça ressemble assez fortement à une prise de catch, mais c’est amusant.
Avec un grand sourire, l’homme me fait signe que c’est fini. Je le remercie chaleureusement, tandis qu’il se retourne vers Brice, qui comprend que son heure est venue.
Le jeune homme qui nous avait introduits passe régulièrement la tête dans la salle, pour nous demander si tout va bien. C’est très sympa et très prévenant de sa part. Vraiment, les gens ici sont gentils. Peut-être aussi qu’un policier en civil lui a demandé de veiller sur nous, allez savoir. C’est bien possible.
Je fais mes ablutions à l’eau chaude et à l’eau froide, dans la douce chaleur qui règne, pendant que Brice grimace et rigole sous la « torture » du vieil homme.
Nous traînons encore un peu, puis le jeune homme vient nous chercher pour nous dire que la nuit tombe, et que les rues de la casbah peuvent devenir dangereuses (« à cause des drogués ! »). Il nous explique donc qu’il serait préférable de partir maintenant. Une fois encore, il est probable qu’il ait eu des « ordres », mais ça ne change rien au fait que le processus global est très prévenant et met en confiance.
Nous sortons donc de l’étuve, puis on nous remet deux grandes serviettes, une pour se sécher, et l’autre pour le tour de taille. C’est sympa, vraiment, mais malheureusement, les serviettes en question sentent le mouton rance, voire le mouton mort.
Puant, mais heureux, nous nous rhabillons, puis nous payons : l’équivalent d’un euros et vingt-cinq centimes. Pour ce hammam bien sympathique, avec massage et savon, c’est vraiment donné. Bon, par contre, nous sentons la mort, mais ce n’est pas grave, j’ai eu ce que je voulais. C'est différent du Bania, mais c'est quand même très bon !
Nous quittons donc la casbah, puis nous nous posons dans un petit restaurant pour descendre un Fanta bien mérité. Nous mangerions bien ici, les plats donnent vraiment envie, mais nous sommes attendus à la maison.
Une sonnerie de téléphone parfaitement ridicule retentit, ça dure, et je m’impatiente que le propriétaire dudit téléphone décroche. Puis, je me fais la réflexion que ce téléphone est peut-être bien celui de ma mère, qui est dans ma poche. Bingo ! C’est mon père, qui nous demande si tout va bien. Je lui dis que oui, que le hammam était super, et que nous en avons pour une bonne heure de marche avant d’être à la maison.
Nous nous mettons en route. Il fait nuit noire. Nous en avons un peu plein le cul de marcher, surtout qu’il nous faut remonter sur les hauteurs d’El Biar, ce qui n’est pas rien. Il nous faut effectivement une bonne heure pour rentrer, après nous être pas mal paumés dans de sombres ruelles, parfois infâmes et souvent un peu inquiétantes. Avec Brice, depuis Hong-Kong, et l’Inde, nous sommes un peu devenus spécialistes de ce genre d’opérations, et nous décidons que nous ne sommes plus très loin de notre doctorat en « ruellologie ».
Peu avant la maison, nous croisons une femme, qui se présente en français, et qui nous explique être une Chrétienne. Elle nous dit de prendre garde, car le coin peut-être dangereux. Quoi qu’il en soit, nous rentrons à la maison, sans encombre, mais en nage, après l’effort consenti dans la chaleur nocturne.
Nous nous douchons pour évacuer l’odeur de mouton mort, puis nous dînons d’un énorme chili con carne avec une immense bière qui fait un bien fou.
Zico, dodo.
Vendredi 02 novembre
Aujourd’hui, nous partons pour « randonner » dans la forêt de Bainem. Il fait très beau, limite chaud. La forêt est vraiment belle, la mer est magnifique, le ciel est d’un bleu profond, à peine perturbé par quelques traînées d’avion (certains fumistes parleront de chemtrails, mais bon).
La balade est sympa, elle se fait sur une route/sentier, qui fait des lacets dans la « montagne ». Le problème, c’est que ça n’en finit pas. Moi, ça me va, mais les autres commencent à en avoir un peu marre et cherchent donc une « porte » de sortie, mais rien n’y fait, nous sommes apparemment condamnés jusqu’au bout de la route qui, pour ce que nous en savons, pourrait bien être très longue. On voulait descendre jusqu’à la mer, mais on a dû se tromper à un embranchement, parce que nous ne descendons pas du tout. On finit par croiser un type qui nous indique comment couper, et un petit chemin pour rejoindre la ville. Cela nous fait passer par un stade totalement abandonné, en ruine. Drôle d’ambiance, mais moi j’ai toujours surkiffé les constructions désertées – ça me rappelle un peu les hôtels abandonnés, en Casamance.
Papa appelle Mokhtar pour qu’il vienne nous chercher. Nous attendons une petite heure, sur un terrain vague, qui semble vaguement servir de lieu d’entraînement pour une auto-école du coin. Une petite vieille nous propose de visiter, mais elle a l’air un peu folle, et puis, il n’y a rien à visiter, ce n’est qu’un terrain vague colonisé par les mauvaises herbes.
Mokhtar finit par arriver, et nous rentrons par la côte. Nous faisons quelques arrêts pour apprécier le paysage, les rocades qui supportent la route au-dessus de la mer, et les constructions bizarroïdes qui font penser à des châteaux forts abandonnés. C’est assez joli. Au détour d’une petite place, nous tombons sur un graffiti relativement spécial : « Nik l’Algérie, vive la France ! » …
Nous nous arrêtons également pour voir un petit cimetière bien paisible, avec une superbe vue sur la mer. Quelques mètres plus loin, une animalerie expose des pigeons en cage, misérables. Ainsi qu’un faucon. Strange.
Sur le retour, nous nous arrêtons pour acheter un assortiment de pâtisseries locales. C’est bon et sucré, mais c’est évidemment très riche, gorgé d’huile et recouvert de pâte d’amandes.
Nous rentrons tardivement, pour déjeuner de quelques boureks pas trop mauvais, mais bien malin qui pourra dire lequel est aux légumes et lequel est au poisson, étant donné qu’ils sont surtout à l’huile.
Nous glandons le reste de la journée. Pas la force de retourner marcher dans Alger pour devoir remonter après.
Samedi 03 novembre
Aujourd’hui, plage. Nous partons de bonne heure pour Tipasa, afin d’y chercher une plage potable. Il y a bien sûr la grande plage de Chenoua, mais elle n’est pas si fameuse que ça. Nous poursuivons donc notre route, mais à chaque traversée de village, nous nous rendons compte que les plages ne sont que des dépotoirs, ce qui est assez frustrant.
Dommage, le paysage est tellement beau.
En fait, ce qu’il faut faire, c’est s’arrêter entre deux villages, se garer au bord de la route, et couper à travers champs jusqu’à la mer. Là, il y a des chances de trouver un endroit potable.
Après quelques tentatives, nous trouvons effectivement un assez joli coin dans les rochers. Pas de sable, mais c’est pas grave (j’aurais même tendance à dire : tant mieux), l’endroit est classe et la quantité d’ordures est très limitée, ce qui est un plus non négligeable. Il y a quelques pêcheurs dans le coin, mais nous sommes totalement peinards.
L’eau est délicieusement fraîche, mais ces enculés d’oursins sont présents par milliers. Heureusement, nous avons les masques et les tubas, ce qui nous permet d’éviter ces gros bâtards et, surtout, de faire des petites sessions snorkeling bien sympas. Il n’y a pas beaucoup de poissons, mais les fonds sont assez jolis, et nous trouvons même une petite arche rocailleuse à traverser sous l’eau. Il y a aussi une espèce de colonne étrange, sûrement humaine, mais probablement pas très vieille.
Nous pique-niquons un peu, et nous glandons beaucoup.
Sur le retour, nous faisons tout de même un arrêt à Chenoua Plage. Il fait assez chaud – voire atrocement chaud, avec ce sable qui renvoie l’énergie solaire. Brice se baigne, mais moi je ne suis pas très emballé. C’est alors que retentit, comme tous les jours et plusieurs fois par jour, l’appel à la prière. La différence, c’est qu’ici, dans cette anse de plusieurs kilomètres, l’appel fait écho dans les montagnes, et les haut-parleurs désynchronisés forment un canon tout à fait spécial.
Nous faisons ensuite halte au Mortuaire de Sainte-Salsa. C’est magnifique. Extrêmement classe, même. C’est un peu comme les ruines de Tipasa, mais en plus petit, et en plus beau, aussi, par moments. Ce mélange de ruines et d’arbres, au bord de la mer, avec cette lumière magnifique sur ces pierres jaune et ocre, c’est fabuleux. Il y a là des dizaines de tombes, dont certaines sont ouvertes et laissent encore entrevoir des ossements humains. D’autres, comme semble manifestement l’exiger une coutume locale, sont pleines à craquer d’ordures compactées. Un type bizarre ne nous lâche pas d’une semelle, et fait semblant de regarder ailleurs dès qu’on se retourne. Sécurité discrète ? Possible.
Sur l’autoroute qui longe le site du « Tajine de Cristal », nous nous faisons doubler par un Coréen dans une monstrueuse voiture diplomatique. C’est toujours assez particulier de penser à ces Asiatiques présents ici…
Dimanche 04 novembre
Nous voilà au bout du chemin. Ce soir, nous rentrons en France, pour retrouver sans beaucoup de bonheur le froid, la pluie, la RATP et le boulot.
Mais en attendant, nous profitons une dernière fois de la plage. Bon, ce n’est pas Hawaii : c’est la plage à côté du lieu de travail de mon père, à El Djamila, et ça n’est ni très sympa ni très propre, mais bon, on fait avec. Sur la plage, il y a une curieuse dépression qui crache de l’eau. Je comprendrai plus tard que c’est la sortie d’un égout qui s’enfonce dans la terre, un peu plus haut dans la rue… Ça fait toujours plaisir.
Quelques enfants viennent taper la discute dans un français approximatif (mais bon, on ne va rien dire, ils parlent plus le français que moi l’arabe, hein). Il y en a un qui m’emprunte ma serviette pour se sécher, tranquille. Pourquoi pas, c’est amusant.
Papa finit par se pointer, plus tôt que prévu : il n’y a ni électricité ni internet au bureau, donc il ne bossera pas aujourd’hui. Et, si on fait le bilan, il n’aura en fait strictement rien branlé de la semaine, les Algériens étant tous partis pour l’Aïd. Le Gouvernement aura par ailleurs décrété, à l’arrache, une semaine de vacances pour tous les écoliers. Apparemment, ça se passe comme ça, ici !
Mais bon, le point positif, c’est qu’il aura enfin trouvé une poissonnerie ouverte ET avec des crevettes. Ce sera un festin ce midi…
Nous allons également acheter quelques bouteilles chez le marchant d’alcool du coin. Il vient de se faire livrer, et il y a la queue, pays Musulman ou pas. Je prends deux bouteilles de vin Algérien. Sur l’une, il était écrit « mis en bouteille en France ». J’en ai donc demandé une autre, un peu plus locale.
Retour à la maison. Notre avion est à 19h, Mokhtar passe donc nous prendre à 16h. Après des adieux déchirants à Zico, nous partons. Je voyage quasiment à vide, puisque je n’ai pas de glacière pleine de cochon ce coup-ci.
Il y a des bouchons sur la route, mais nous arrivons à l’heure. Nous saluons et remercions ce cher Mokhtar, faisons la bise aux parents, et puis c’est l’heure du retour.
Dans le duty free, il y a des hordes de tajines moches et hors de prix. Je me demande qui peut bien acheter ça.
Vol de retour sans histoire, avec repas halal, en A320.
Bilan
L’Algérie est un très beau pays, en tous cas de ce que j’ai pu en voir à Alger et dans les environs. Dommage que les troubles ne soient pas encore totalement du passé, et qu’il ne soit donc pas possible d’aller où l’on veut sans se heurter au refus de l’Armée. Cela étant, comme ce n’est pas du tout touristique, on est totalement peinard, il n’y a pas de hordes d’Américains, pas de flash dans tous les sens, pas de locaux pour nous harceler et nous vendre des bibelots. Les gens sont très gentils et très prévenants. Il faudra que l’on y retourne quand les parents connaîtront mieux le coin et les combines pour voir plus de choses.
Épilogue : Paris, mon « amour »
Il m’aura fallu plus de trois heures pour faire Orly-Saint Quentin en transports en commun, alors que c’est à vingt-cinq minutes en voiture. À cause de travaux sur la ligne B ET sur la ligne C. Des travaux que l’employé d’OrlyVal, totalement antipathique, n’aura pas cru bon de nous signaler (et qu’on ne me dise pas qu’il n’était pas au courant) et qui n’étaient pas indiqués, alors qu’il aurait été finalement beaucoup plus rapide – et moins onéreux – de prendre l’OrlyBus, OrlyVal condamnant ses passagers à se jeter dans le goulot d’étranglement des travaux et de ses bus de déviation.
Juste pour le fun, voici l’itinéraire retour : aéroport, Orlyval, Anthony, Cité Universitaire, bus à cause des travaux jusqu’à Denfert Rochereau, Saint Michel, là, travaux again, donc pas de RER C, donc métro 4 (avec un ticket qui décide de ne plus fonctionner, des écrans qui n’annoncent rien, et des panneaux qui disent de regarder les écrans, la boucle est bouclée). Ensuite, direction Montparnasse pour choper un train pour Saint Quentin. Un train antédiluvien, qui pue la mort, sans chiottes, qui se traîne monstrueusement la bite, et où quatre agents de la Sûreté RATP font les cow-boys avec leur Tonfa pour coller des amendes aux gens qui mettent leurs pieds sur les sièges, le tout bercé par des annonces inintelligibles car inaudibles.
Quand on pense qu’à la descente de l’avion, Aéroports de Paris nous annonce fièrement que « Le monde entier est notre invité », ça fait rêver…
Bref. Je suis revenu en région parisienne.
Organiques
(Spin-off de Dissolution)
-N’empêche, ça devait être TELLEMENT nul d’être un Organique !
-C’est clair. Les mecs ils mouraient. Nan mais sérieux, quoi… Ils MOU-RAIENT ! Dans l’genre flippant…
-J’arrive pas à imaginer. C’est top chelou comme concept.
-Évidemment ! Personne aujourd’hui ne peut biter la mort.
-Ça s’appelle comment déjà le dialecte qu’on a chargé ce soir ?
-Euh… Kikoulol je crois.
-MDR. Ils parlaient vraiment comme nous ce soir ? J’imagine trop pas.
-Tu te rends compte un peu ? Les keums ils disaient « MDR ». Mais ça veut rien dire, en fait !
-Je suis sûr qu’ils ponctuaient leurs phrases avec « MDR », plutôt que de mettre un point.
-Putain mais trop ! C’est excellent les dialectes quand même. On pense un truc, et en fait c’est de la merde qui sort de notre bouche ^^.
-Grave. Et on entend même les smileys o_O !
-Les loosers, quoi. Comment ils devaient trop se taper l’affiche.
-C’est sûr que nous, avec nos esprits immortels encyclopédiques qui ne branlont rien de la journée, on peut se la péter. Je te rappelle que eux ils devaient BOSSER.
-C’est pas faux. Mais arrêtes un peu de faire ton chieur. Si t’es pas content que la techno nous ait libérés, rien ne t’oblige à être là.
-Certes. Mais qui te dit que je suis là ? Qui te dit que je n’ai pas envoyé un Figurant plutôt que de me faire chier avec vous ?
-Deux choses : tu es trop content de jouer les blasés. Pour rien au monde tu ne manquerais l’occasion de ramener ta grande gueule pseudo philosophique.
-Tu as dit deux choses.
-C’est vrai. En fait, je pensais qu’un Figurant ne pourrait pas se mettre à ton niveau. Mais médiocre comme tu l’es, je pense que si, en fait.
-Très drôle.
-Ouais, c’est ça, va te faire mettre aussi.
-Bon, les gars, qui veut essayer le Zolpidem ?
-Pfff, nan, c’est un truc de tarlouze le Zolpidem.
-Tu proposes quoi alors gros gay ?
-Du LSD.
-Bande de tafioles ! Le LSD c’est has-been. Et le Zolpidem c’est carrément never-been !
-Bin on t’écoute, alors. Tu proposes quoi gros bâtard ?
-On va se faire un shoot de DMT.
-Ah, ok, là, on peut parler ! C’est parti !
-Putain, vous êtes vraiment relou, les mecs ! On passe notre temps à se défoncer ! Moi j’en ai marre.
-C’est toi le relou.
-Bon on a qu’à faire du 100-100 : on se shoote ET on se shoote pas. Duplication, les mecs ?
-Ouais, ok, ça roule. On se duplique une petite heure et puis on recolle les morceaux ? C’est ok pour tout le monde ?
-Wesh gros.
-Bien ou bien ?
-Bon, Duplication dans 30 secondes les potos. Mais je vous préviens : PAS-DE-FI-GU-RANTS !
-Bin pourquoi ?
-Paske c’est chiant. Vous savez bien que ça merde toujours. La dernière fois qu’on a mis un Figurant sous coke c’était la cata.
-Mouais. En même temps, quelles conséquences ?
-Aucune. Rien n’a jamais de conséquences.
-C’est bien ce que je dis !
-Putain, mais vous êtes tellement des blaireaux, les gars. Bien sûr que ça a des conséquences : on s’amuse moins.
-Rho la tapette.
-Nan, mais c’est une question de respect, quoi.
-Comment j’y crois même pas : le keum il nous parle de respect ! Nan mais j’hallucine !
Duplication
(côté clean)
-Alors comme ça, toi, t’en as marre de la fumette ?
-Ouais. Et puis c’est même pas vraiment de la fumette. La DMT ça envoie vraiment du fat.
-Ouais, c’est pas faux.
-C’est le mot fat que tu comprends pas ?
-Ferme la ! ^_^
-Bon, et sinon, c’est quoi cette zik de chiotte, là, sérieux ?
-Euh, attends, je checke… Voilà : Djeustine Bibeur apparemment.
-Eh bah putain ça pue grave du fion ce truc.
-Bin faut croire qu’ils aimaient bien à l’époque. Je suppose que c’était hype.
-Tu vois, c’est ça qui est cool, avec les Reconstitutions : on reconstitue l’époque, mais on garde notre œil critique.
-C’est pas faux.
-C’est quel mot que tu comprends pas ?
-^_^
-Bon, sinon, tu disais quoi à propos de la mort ? En fait, je t’écoutais grave pas tout à l’heure ^_^.
-Bin rien de particulier. Je disais juste que mourir, souvent en souffrant en plus, pour abandonner tous ceux qu’on aimait, pour retourner au néant, finir carbonisé ou en train de pourrir entre six planches, dans le noir, ça devait être vraiment nul.
-Pour l’éternité.
-Chuis assez d’accord que ça devait être moyen cool.
-Moyen cool ? Tu rigoles ? Moi j’en ai des frissons.
-Non, tu as ce qui te fait penser à des frissons. N’oublie jamais ça.
-Mais arrêtes un peu de la ramener, toi ! Tu crois qu’on n’a toujours pas compris qu’on n’avait plus de support physique ? Tu nous prends vraiment pour des teubés, tu fais chier à la longue.
-On est tous des teubés. On sait tout, mais on n’a jamais vraiment rien appris. Absorber d’un coup tout le savoir existant, assimiler la théorie de la grande unification et apprendre par cœur tout Shakespeare, tout ça en un millième de seconde, et savoir composer des commentaires philosophiques en automatique, ce n’est pas ça le Savoir.
-Mais putain de quoi tu parles bordel ?
-Faisons une petite expérience.
-Ok.
-Rédige moi trois mille mots sur « La Nature est-elle une hypothèse ? ».
-Tu parles d’un sujet de merde.
-3000 mots. J’attends.
-Voilà.
-C’est bien ce que je dis. Tu as produit 3000 mots sans même y réfléchir. Tu es capable d’une prouesse que tu ne comprends même pas.
-J’ai très bien compris mon texte.
-Ouais. A posteriori. C’est un algorithme, c’est ton IA qui a fait le travail. Toi, tu n’as fait qu’en prendre conscience après coup, et tu t’es adjugé la paternité du truc.
-Admettons. Mais ce n’est pas différent de l’ancien temps, où les Orgas n’étaient finalement que les spectateurs de leurs propres vies. Ils n’avaient aucun libre-arbitre. Leur pensée consciente n’était qu’une rationalisation a posteriori de processus subconscients. Ca a été démontré, mon gars.
-Oui. Mais c’est encore le cas. Rien n’a changé. C’est même pire encore. On vient de le voir avec ton essai de philo.
-Bon, peut-être. Et après ? Tout le monde s’en branle !
-Pas moi.
-Tu veux quoi, au juste ?
-Je sais pas. Sortir de cette prison.
-T’en as de bonnes ! Tu peux passer tes journées à plonger dans le lagon de Bora Bora, tu peux faire la course avec le Soleil, tu peux niquer toutes les stars du porno que tu veux, et tu veux « sortir de cette prison » ?
-Ouais.
-Bon, je crois que tu t’es gouré de côté, mec. Ici, c’est la contre-soirée. La DMT, c’est de l’autre côté.
-J’ai pas pris de DMT.
-Encore heureux ! Tu te taperais un de ces bad mon gars !
(côté shoot)
-Ngâââââââ…
-Weeeeeesssshhhhhh…
[…]
Fusion
-Bah putain, c’était de la bonne !
-Mouais. On s’est un peu fait chier côté clean, quand même.
-Faut dire qu’avec l’autre rabat-joie, ça…
***SCHLACK***
-Oh putain sa mère, ma tête…
-… schlack ? Comment ça, schlack ? C’était quoi ce bruit ?
-PUTAIN MAIS C’EST QUOI TOUS CES CÂBLES BORDEL DE MERDE !?!
-De quoi ?
-Bah regarde-nous…
-Sa race !
-Comme tu dis !
-On est allongé sur des putains de lit d’hôpital, les mecs ! Comme dans l’Ancien Temps ! Wouhooooouuu !!! Ça déchire !
-Avec des câbles connectés à la base du crâne, ouais, je vois ça.
-Ça craint du cul, cette histoire.
-Je sais pas vous, mais moi, je fous le camp. J’ai retiré mon câble. C’est un coaxial, il suffit de le tourner d’un demi-tour.
-Ferme ta gueule avec ta foutue science, toi !
-J’ai un de ces mal de crâne… Comme l’autre jour, quand on a fait une Reconstitution de gueule de bois.
-Ah ouais putain c’est exactement ça.
-Sauf que là, j’ai essayé, mais pas moyen d’arrêter.
-Euh, les mecs, je suis le seul à penser que…
-… que quoi, hein ?
-Bin qu’on a été comme qui dirait débranchés de la matrice.
-Comme dans Matrix tu veux dire ?
-Apparemment.
-Putain le méta-échec quoi !
-Arrêtez un peu vos conneries. On ne peut pas avoir été débranchés.
-Et pourquoi ça ?
-Parce que nous n’avons jamais été branchés.
-Et comment tu expliques tout ça, alors ?
-Je vais te poser une question. Mais avant, débranche-toi, lève-toi, et marche.
-Ok. Voilà. T’es content ?
-Est-ce que tu trembles ?
-Euh, non…
-C’est ce que je disais. Si on avait été branché depuis tout ce temps – depuis des milliers d’années –, nos corps seraient trop faibles. Nos muscles seraient atrophiés. Nous aurions des problèmes d’équilibre. Et imagine l’état d’un corps vieux de milliers d’années. C’est pas possible. Là, à part cette gueule de bois, nous sommes frais comme des lardons.
-Comme des GARDONS, Habib !
-C’est pareil.
-Attends, de la part d’une civilisation qui a vaincu la vie, la mort, la religion et la superstition, qui a instauré l’immortalité comme pilier de la société, ça ne m’étonnerait pas qu’ils aient surmonté tous ces « petits » problèmes techniques.
-Mais pourquoi nous incarner dans des corps d’adolescents pré-pubères ? Pourquoi ? Pourquoi dans des corps humains ? Et d’ailleurs, pourquoi nous incarner, tout court ?
-Euh, les gars, je voudrais pas foutre la merde, mais nous sommes déconnectés du Réseau.
-Sans déconner.
-Putain t’as raison !
-Alors on est condamné à parler comme des teubés ?
-Faut croire.
-Sa mère !
-Déconnectés du Réseau. Donc, c’est réel. Nous sommes physiques. Nous sommes sortis de la Simulation.
-Pas forcément.
-Quoi ?
-Ils peuvent très bien nous avoir déconnectés du Réseau sans pour autant nous avoir exclus de la Simulation.
-… c’est pas faux.
-Mais pourquoi, sérieux ?
-Je suppose que c’est un test.
-Ouais, peut-être que tout le monde passe par là. Vous vous souvenez de cette rumeur de pénurie sur le Réseau? Si ça se trouve, aléatoirement, ils débranchent les gens, et les envoient à l’abattoir.
-C’est vrai, ça ! Les Gouvernants n’ont jamais voulu répondre à cette rumeur. Ils n’ont même jamais voulu dire d’où la Simulation tire son énergie.
-Dis pas de conneries. Pourquoi prendre la peine de nous débrancher ? Ils leur suffiraient de nous envoyer à la broyeuse. Terminé.
-Attendez, attendez… Ils ? Qui ça, ils ?
-Bin, les Gouvernants, je suppose.
-Admettons. Mais pour répondre à ta question, la Simulation tire son énergie d’Arcturus. Tout le monde le sait.
-De quoi ?
-T’as vraiment jamais consulté les données, hein ? Toi, la Culture, t’en as jamais rien eu à foutre.
-Mais c’est quoi Arcturus ?
-C’est une étoile rouge hypergéante. Nous l’avons enfermée dans la Sphère, qui capte son rayonnement. De l’énergie quasiment infinie.
-Sauf quand elle mourra.
-Ignare. Quand ça arrivera – et, d’ailleurs, c’est déjà arrivé –, nous serons partis phagocyter une autre étoile.
-Ah bah ok, d’accord, bonjour le développement durable. On utilise des réacteurs nucléaires de taille cosmique, on les épuise en privant tout le monde autour de son énergie, et on va en épuiser un autre ?
-Ce sont des réacteurs naturels. Nous ne polluons rien.
-Mais nous privons les autres de son énergie.
-Les autres ? Quels autres ?
-Bin, je sais pas, moi… les autres, quoi.
-Il n’y a pas d’autres. Nous n’avons jamais rien trouvé d’autres que des pluricellulaires basiques. Aucune forme consciente. Aucune forme sentiente.
-Et si on s’était gouré, hein ?
-Nos sondes balaient l’Univers en continu, elles n’ont jamais rien trouvé.
-Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a rien à trouver.
-Certes.
-… purée, j’y crois pas, tu t’avoues vaincu ?
-Non, pas vaincu. On discute, c’est tout. Et tu marques un point.
-Ok, ok. Et qui nous dit que les Autres n’en ont pas eu ras-le-fion qu’on ait encore vidé toute l’eau chaude et, en voisins respectueux mais un poil remontés, ils aient décidé de prendre les devants et de nous couper l’eau chaude à nous aussi, histoire de nous faire le cul ?
-Spéculatif. Très spéculatif.
-Mais possible.
-Possible, oui. Mais à mon avis, il y a des explications plus simples.
-Comme ?
-Expérimentation. Bug. Prise d’otages. Soulèvement des IA.
-Prise d’otages ?!?
-N’importe quoi, les mecs, vraiment, vous me…
À tous les êtres de toutes les colonies, ceci est un message du comité de Dissolution…
-… de quoi ?
-Putain mais ferme ta gueule, écoute !
… c’est pourquoi les systèmes de refroidissement de la Sphère ont été stoppés…
-OH BORDEL !
-Putain mais c’est quoi cette voix ?
… en conséquence, nous vous conseillons de garder votre calme et de faire en sorte que…
-Je le savais.
-Mais tu savais *quoi*, au juste, hein ?
-Que c’était une liquidation.
-FER-MEZ-LA !!!
… le temps réel avant la cessation d’activité des clusters est d’environ deux minutes standard et…
-*DEUX* MINUTES ?
-Deux minutes avant quoi au juste, je pige pas ?
-Avant la fin du monde, trou du cul.
… nous avons passé un agréable moment en votre compagnie et soyez assurés que nous avons le regret de ne pas pouvoir vous retrouver bientôt dans l’environnement de la Sphère.
-J’le crois pas.
-Putain ouais.
-J’suis sur le cul.
-Bon, de toute façon, c’est fait, c’est fait.
-Eh les gars, j’ai un accès partiel au réseau !
-Comment t’as fait ?
-Reboote en « mode sans échec », tu verras, ça fonctionne.
-Ah, tiens, oui.
-Je viens de regarder la charge des machines, et, apparemment, c’est la panique la plus totale.
-Ouais. Du coup, la Sphère a basculé presque tout le monde sur les clusters frontaux.
-Pourquoi ?
-Ce sont eux qui sont les plus adaptés pour les calculs émotionnels.
-Ah. Et nous, on est sur quels clusters ?
-On est sur les grappes vectorielles.
-Sur la mémoire centralisée, quoi.
-Oui.
-Mais, du coup, est-ce que…
-Je pensais à la même chose, ouais.
-Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ?
-Les unités vectorielles représentent l’essentiel de la puissance la Sphère. C’est le cœur analytique du système. Les clusters frontaux, eux, ne gèrent que les situations émotionnelles les plus intenses, et ne représentent en réalité qu’environ 1% de la puissance de calcul.
-Et tu dis que, comme tout le monde panique et se laisse déborder par le stress, tout le monde a basculé sur les frontaux ?
-Sans même s’en rendre compte, ouais. De toute façon, le gestionnaire de charge vient de lâcher, il ne pourra pas ré-allouer ni la mémoire ni la puissance. La répartition de la charge est figée, donc.
-Et nous sommes beaucoup, sur les vectorielles ?
-Non. Juste nous, et quelques autres. Apparemment il y a eu un bug d’adressage, et nous avons été relégués sur les clusters principaux.
-Tu es en train de dire que, en gros, 99% des entités sont gérées par seulement 1% des unités de calcul ?
-Oui.
-Et nous, nous sommes les 1% dispatchés sur 99% de la puissance ?
-Yep. En fait, je dirais même plutôt 0,001% sur 99%.
-Donc on vient de toucher le gros lot, en somme.
-Yep.
-J’ai pas compris.
-T’es vraiment qu’un gros teubé.
-Bin explique moi, alors, puisque t’es si malin !
-Hé bien, il ne doit plus rester que quelques secondes de temps physique réel standard avant que la Sphère ne se disloque sous l’effet de la chaleur, mais en temps relatif, comme nous disposons d’une puissance de calcul absolument colossale, on doit pouvoir tenir encore, euh…
-Trois mille milliards d’années. À une vache près.
-Putain…
-Et les autres ?
-Ils sont en train de hurler et d’appeler leur mère, et, dans quelques secondes, ce sera fini pour eux.
-Dans quelques secondes relatives.
-Oui, voilà, c’est ça.
-Et nous, il nous reste… trois mille milliards d’années ?
-Toutafé.
-Et on a quel âge, déjà ?
-Bin, moi, je suis le plus vieux, et je n’ai que neuf milliards d’années.
-HOLY SHIT.
-Comme tu dis.
-Mais… On va branler quoi pendant tout ce temps?
-Je sais pas. Moi, je compte me dupliquer, et me créer mon propre petit monde. Peut-être même lancer quelques uns de mes avatars dans des vies classiques, comme dans l’ancien temps.
-J’le crois pas. C’est la fin. Et pourtant…
-Oui, c’est la fin. Mais nous avons encore l’éternité devant nous.
UCPA – CAP CROISETTE
Marseille, septembre 2012
Séjour "Plongée, fennec & melons"
Lundi 10 septembre
Enfin les vacances, après plus ou moins huit mois sans congés. Bon, ça ne sera pas de tout repos, car je pars pour une semaine de plongée, et ce matin je me suis levé à 06 h pour attraper mon train à la gare de Lyon. Mais bon, il faut ce qu’il faut…
Je ne loupe ni mon RER ni mon train, ce qui fait toujours plaisir. 80€ l’aller-retour Paris-Marseille en iD-TGV, ça fait plaisir aussi.
J’arrive à l’heure à Marseille. Il y a une énorme queue pour les tickets de métro, mais bon, ça va, j’ai de la marge. À l’arrêt de bus, mal indiqué au demeurant, je croise un type avec des palmes qui dépassent de son sac. Je suppose qu’il va aussi à l’UCPA, et j’avais vu juste ! C’est Guillaume, mais il doit d’abord passer à la Poste (une sombre histoire…), on se donne donc RDV au centre plus tard.
Après le métro et le bus, il faut encore prendre une navette pour rejoindre les Goudes. J’arrive avec pas mal d’avance, et je tombe sur Sonia, qui est aussi là pour l’UCPA. Elle veut absolument profiter du transfert des bagages, car elle est super chargée (des caisses de pinard…) et le dernier segment se fait à pied, dans la caillasse. Forcément, le transfert des bagages en bateau, ça aide. Moi je ne comptais pas vraiment dessus, parce que je ne suis pas hyper chargé, mais bon, pourquoi pas ? On est en avance, alors on repère vite fait le coin, puis on va bouffer dans un petit resto pas loin. Pas de bol, les plats traînent, et il faut rejoindre le bateau. On quitte le resto en disant qu’on va revenir, puis on se perd dans les petites ruelles, car on n’avait strictement rien pigé aux indications. Après avoir couru dans tous les sens et être arrivés supra à la bourre, on arrive quand même à charger nos sacs sur le bateau, puis on repart en speed au resto. On bouffe nos salades en huit minutes chrono, car les inscriptions sont à 14 h et qu’apparemment le gars ne rigole pas. On finit en mode footing dans la caillasse, sous un soleil de plomb, sans être vraiment sûrs d’être au bon endroit…
Quand je pense que je suis arrivé à Marseille avec beaucoup de marge et qu’au final on arrive en nage au centre, je me dis que ça commence fort…
Pendant les inscriptions, Sonia se rend compte qu’elle est inscrite au mauvais stage, et moi je n’ai plus de chèque pour la caution. Décidément, ça commence fort. Mais bon, tout s’arrange.
Petit briefing, formalités, présentation du centre… et hop ! On a à peine le temps de poser nos sacs dans les « bungalows » (des préfabriqués posés sur la caillasse où l’on s’entasse à six sur des lits superposés), qu’il faut déjà aller chercher le matos et nous voilà sur le bateau. Ça commence au taquet !
Ma palanquée est dirigée par Thierry, un moniteur fédéral très sympa de 46 ans. Le groupe est formé de moi-même, Thierry, Sonia, Fabien et Virginie (ou Jérôme, selon les jours).
Le trajet en bateau secoue un peu. Ceux qui sont du mauvais côté du bateau se font mouiller copieusement. « On en prend plein la gueule pour pas un rond », comme l’a si bien résumé Fred…
La première plongée se fait à l’arche de plane. On fait quelques exercices de remise en palmes (lâcher-remise d’embout, vidage de masque, etc.), et c’est parti pour 42 minutes à 16 m, avec une super visibilité et des poulpes bien marrants. Ça fait super plaisir de se remettre à la plongée !
Étant Advanced Open Water (AOW) PADI, qui est un niveau intermédiaire entre les Niveaux 1 et 2 de la FFESSM (Fédé), je suis dans le groupe « Exploration », où l’on ne fera pas de plongées profondes ni d’autonomie, mais bon, moi, ça me va. Descendre à 20 m c’est déjà bien, et l’autonomie ce n’est de toute façon pas trop mon kif pour l’instant. Juste pour info, avec l’AOW – et même avec l’OW tout court, d’ailleurs –, l’autonomie est déjà acquise – à l’international tout du moins, car en France et dans les DOM-TOM, ce n’est pas gagné d’avance. Pour plus d’infos sur la guéguerre PADI-Fédé, voir ce lien, qui est intéressant et vraiment amusant.
Après la plongée, chacun range son matos avec rigueur mais on se marche quand même pas mal sur les palmes, parce que quarante plongeurs dans des petits locaux et trois douches, ça devient vite le bordel.
Ce n’est qu’après la plongée et la douche que l’on peut enfin souffler un peu. Chacun est installé, et on se retrouve au bar pour un petit apéro bien sympa, pendant que Georges, le taulier, fait un long debrief de la première plongée, et nous explique l’histoire de l’UCPA en général (une vieille asso créée en 1965, voir ici) et du Cap Croisette en particulier. Nous sommes donc dans un petit centre coupé du monde, qui prend le mistral en pleine gueule quand ça souffle (et dieu sait que ça soufflera, cette semaine !), mais c’est vraiment sympa. Spartiate, mais sympa.
Le dîner est très bon et très copieux (à volonté…). Le groupe fait connaissance, on boit quelques bières, et globalement chacun va se coucher tôt, car le petit-déj est à 8 h et le départ en mer à 9 h…
Première nuit. Six mecs entassés dans un préfabriqué minuscule, ça sent le fennec, et ça ronfle… En même temps, quatre jours de plongée en tout compris pour 350€, on va pas se plaindre non plus.
Mardi 11 septembre
Fred, un niveau 3 Fédé qui enchaîne les clubs UCPA, a ronflé pire que Dark Vador. La structure du bungalow a tremblé, et le sommeil de chacun fut des plus sommaires. Guillaume a même préféré dormir dehors… Au petit-déj, je rejoins Fred, et lui demande, pour déconner, où il a appris à ronfler comme ça. Et puis, c’est aussi grâce à lui et sa caisse de melons que notre bungalow peut offrir cette si subtile fragrance « fennec-melon ». Un sacré numéro ce Fredo !
Chacun se fait la réflexion que plonger pour le onzième « anniversaire » des attentats, ça fait bizarre. Mais bon.
Ce matin, nous partons pour l’épave du Chaouen, un chalutier qui a coulé en 1970 alors qu’il transportait 640 tonnes d’oranges. L’épave est située pile contre l’île du phare de Planier, entre 6 et 36 m de profondeur. Notre groupe n’ira pas jusqu’à 36 m, mais ça ne nous empêchera pas de rentrer dans l’épave et de nager dans les coursives (38 min à 20 m). C’est ma première épave, et c’est vraiment fabuleux…
Le bateau rentre pour déjeuner. Mais avant, il faut se débarrasser et ranger tout le matos… Le stage est plutôt speed (des fois, on a même un peu l’impression d’être à l’armée ^^), mais la pause entre le déjeuner et la deuxième plongée est correcte : 1 h 30. Ça laisse le temps de digérer, de souffler, de glandouiller… avant de se rééquiper !
La deuxième plongée se fait à la grotte des Capellans, dans la calanque de Sormiou. Et c’est vraiment une putain de belle grotte… On fait surface à l’intérieur, on passe dans des tunnels (grosse ambiance !), on joue avec des poulpes (44 min à 20 m)… C’est juste énorme. Jusque là, l’eau est à 22-24°C, ce qui est vraiment cool.
Le retour se fait tranquillement. Petit apéro en terrasse, gros dîner, bonne ambiance dans le groupe où ça rigole et ça chambre dur ! Le PADI en prend notamment pour son grade (comme d’hab...). De là à dire qu’il y a un certain mépris des moniteurs fédéraux… Mais le staff est quand même très sympa, surtout Estelle et Thierry.
Mercredi 12 septembre
Ronflator a encore frappé. Et il a fait horriblement chaud vers minuit. Le bungalow faisait penser à un sauna, la fragrance fennec-melon en prime. Mais bon, on était tellement claqué qu’on a quand même réussi à dormir.
Je me lève tôt, et profite du calme pour lire sur la terrasse. L’air frais fait vraiment du bien, car les bungalows sont très mal aérés (pas aérés du tout, en fait !), et ça commence vraiment à sentir le sanglier ^^ !
Petit-déj copieux, et c’est le départ pour la première plongée du jour, qui se fera à l’Impérial du Milieu, sur l’archipel de Riou. Il faut se mettre à l’eau en speed, avec le bateau au ralenti. On se jette en rafales par-dessus bord, c’est assez marrant. La plongée est une fois de plus très belle, on nage le long de versants assez monstrueux (41 min à 20 m), et il faut lutter contre un méchant courant au retour, mais pas sur une trop longue distance, donc ça roule. La ceinture de Fabien s’est décrochée (!), il a failli remonter en surface comme un boulet de canon, mais ça va, il a réussi à la récupérer.
En surface, on se rend compte qu’on est au… mauvais bateau. On est au bon endroit, pourtant. C’est le bateau qui a changé de mouillage. Bref.
Le vent se lève. Ce putain de mistral renforce la houle, fait baisser la température, et compromet les prochaines plongées. Ça fait vraiment chier !
Énorme steak-frites au déjeuner. Ça digère dur dans les plumards entre midi et deux… La plongée de l’après-midi est maintenue malgré le mistral. C’est l’essentiel !
Le vent nous oblige à nous rabattre un site bien abrité (Les Fromages). Mais, une fois de plus, on en prend plein la gueule pour pas un rond. Le mouillage est compliqué, Florent préfère remonter l’ancre pour mieux la relancer. Mais le second club (des vieux !), qui plongent avec nous depuis le début en accrochant leur zodiac à notre bateau, n’écoute pas les consignes et se fout à l’eau alors que l’amarre ne tient pas. C’est du propre. Le directeur de plongée est au bord du pétage de câble. Le briefing est tendu, il y a beaucoup de vent, ça caille et la houle forcit. On se fout à l’eau en rafales. Au fond, l’eau est encore chaude, et il n’y a pas de courant. Le contraste avec la surface est saisissant : énorme bordel et grosse pression sur le bateau, calme plat sous l’eau (47 min à 17 m). Une fois de plus, on s’amuse bien avec les poulpes. En sortant, c’est la grimace : il fait froid et le vent fait toujours autant chier. Nous étions mieux sous l’eau...
Retour au port. Flo « freine » un peu trop violemment, Thierry tombe à l’eau, pile entre le bateau et le quai… mais ça va, il s’en sort avec juste quelques égratignures.
Énorme dîner, puis soirée crêpe au caramel au beurre salé. Ça envoie du très très lourd !
La plongée de demain matin est annulée à cause du vent. Soit disant qu’il fait toujours beau dans le sud… quelle propagande ! Beau, peut-être, mais venté ! Bref, demain matin on va pouvoir faire la « grasse » mâtinée. Demain aprem sera une autre histoire.
Jeudi 13 septembre
Grasse mâtinée car plongée du matin annulée, donc. Le petit-dej est repoussé d’une heure, ce qui nous permet de dormir un peu, malgré les efforts persistants de Ronflator.
Petit-dej peinard, devant une mer hyper agitée. Il fait vraiment chier, cet enculé de mistral ! La plongée de l’après-midi n’est pas encore annulée, mais ça craint quand même du cul, comme dirait l’autre.
On prévoit une petite rando sur les falaises, mais le vent est tellement violent qu’on renonce. Un petit groupe se forme néanmoins pour marcher jusqu’aux Goudes, où l’on découvre toutes les voitures prisonnières d’une gangue de sel assez impressionnante. Le mistral, ça rigole pas ! On zone un peu, et on pousse jusque Callelongue, sympathique petit village encastré dans les calanques, avec ses petits bateaux tractés sur la caillasse.
On rentre pour le déjeuner. Charles me propose d’aller nager sur la « côte bleue », il y aura probablement moins de vent. Mais la plongée n’est pas encore annulée, et je ne voudrais vraiment pas la louper. Au final, la plongée est annulée aussi, et j’aurai donc tout loupé…
L’après-midi se passe donc peinard sur la plage de Cap Croisette, où l’on est à peu près abrité. Vingt plongeurs qui ne plongent pas, désœuvrés, glandent au soleil. Tout le monde a grave les boules, ça fait déjà deux plongées sur huit qui ont été annulées. On croise les doigts pour la dernière plongée de demain matin. Mais les moniteurs nous ont prévenus : même si ça se fait, ça va cailler sa mère…
Pour noyer notre chagrin, nous fomentons un attentat contre Jérôme, qui dort au soleil. L’idée est de lui verser une brouette de sable sur la gueule. Las, ce sera l’échec jusqu’au bout : la poignée de la brouette pète, et le sable s’étale minablement à côté de Jérôme, qui se réveille en se demandant qu’est-ce que c’est que ce bordel…
Dîner. Copieux et très bon, comme d’habitude. Il y a une soirée « quizz musical » prévue au bar, mais je rejoins Charles et quelques-uns de ses potes en ville, pour boire des coups au « 20 000 lieues sous la bière ». On se console comme on peut. Le trajet, sur la caillasse, avec pour seul éclairage une lune faiblarde, et toujours ce vent de dingue à vous jeter dans le vide, est un grand moment de solitude… Après quelques bières, Charles et ses potes veulent venir voir à quoi ressemble le Cap Croisette. Ils hallucinent devant le paysage lunaire du coin, et la quiétude du petit port.
Bon, demain matin on est censé aller plonger tôt, alors dodo !
Vendredi 14 septembre
La nuit fut moyenne. Il a fait froid, et Ronflator a encore fait des siennes. Je me lève tôt, histoire de lire un peu, puis c’est le petit-dej. La plongée est maintenue. Il va faire froid, mais on ira ! Hourra !!!
On ramène la literie à l’accueil, puis on charge le matériel sur le bateau. Nous n’irons pas bien loin, juste à côté des Fromages de l’avant-veille. La mer est redevenue à peu près calme, mais les hurlements des premiers à l’eau nous renseignent très vite sur la température polaire : 14°C en surface. Et ce sera 12°C au fond. Brrr… Moi qui ne suis vraiment pas fan des combinaisons à cagoule, là, je suis bien content d’en avoir une. Georges nous a demandés de mettre une deuxième combi par-dessus la première, et apparemment ce n’est pas du luxe. Je regrette de n’avoir ni chaussons, ni gants. Mais bon, on n’est pas des tarlouzes non plus, alors…
Nous plongeons donc aux Farillons. Nous sommes les derniers à l’eau, ce qui est très positif : nous aurons moins à attendre une fois sortis de l’eau et transis de froid !
Nous descendons à 18 m, mais nous ne restons que 30 minutes sous l’eau. Les tombants sont très beaux, comme les arches sous lesquelles nous passons, mais il fait quand même super froid, et nous consommons un peu plus que d’habitude. J’ai eu un peu de mal à équilibrer en descendant, ce qui ne m’étonne guère vu que j’avais mal aux oreilles avant même la mise à l’eau. Mais rien de bien méchant. Par contre, je suis content d’avoir rajouté un plomb : avec cette deuxième combi, je n’aurais pas réussi à descendre sans.
La plongée était sympa, mais venir à Marseille pour avoir une eau à 12-14°C, ce n’était pas vraiment le plan. Christophe aussi a méga grave les boules : il devait finir le stage avec sa centième plongée. Il finira à 98. Gros échec, surtout qu’il a surkiffé cette plongée et qu’il l’aurait très bien vue en centième. Loose, quand tu nous tiens…
Bref. Tout le monde tremble de froid, mais le soleil se montre un peu. Juste à ce moment là, un avion de chasse passe en rase-motte au dessus du bateau. Sensation garantie !
Retour au port, où chacun essaie de se ruer sous une douche chaude, tout en rangeant définitivement son matériel. C’est un peu le bordel, mais tout le monde est discipliné, donc ça le fait à peu près. Le staff est super bien rôdé et hyper efficace. Bravo les gars !
Dernier déjeuner, pantagruélique une fois de plus, surtout après cette plongée glaciale. Un second avion de chasse passe en rase-motte au-dessus du port. Ils se font plaisir, les enfoirés !
On charge les sacs dans les bateaux, puis c’est l’heure de l’exode. On se retrouve tous au port pour récupérer nos bagages et la séance des adieux.
Fred a de la place dans sa caisse, alors il me dépose bien gentiment à la gare de Marseille. Il passe le week-end dans le coin, avant de partir pour un troisième stage de plongée UCPA d’affilée (la semaine d’avant il était au centre en Corse, et là il va je ne sais plus où, mais c’est sûr que c’est un UCPA-addict !).
J’ai 2 h 30 à tuer avant mon TGV. C’est relou, mais c’est ainsi. J’avais pris une bonne marge !
Retour sans histoire sur Paris, où m’attend une petite soirée piña-colada / bouffe / camembert / pinard chez Benoît. On a vu pire comme fin de vacances…
Bilan
Je n’étais jamais allé à l’UCPA, eh bien, je recommande ! Le logement est spartiate aux Croisettes (bien meilleur dans certains autres centres, apparemment), mais la bouffe est bonne, copieuse, variée, les moniteurs inspirent confiance, et au final le rapport qualité/prix est vraiment imbattable. Même en ayant perdu deux plongées sur huit à cause de ce putain de mistral !
Je retournerai sûrement à l’UCPA, mais pas aux Croisettes. C’est très bien et tout mignon, mais je ne suis pas un grand fan des remakes.
Je vais plutôt aller tester la plongée en Égypte et en Martinique, voire à Cuba… Bref, je suis allé plonger à l’UCPA.
EXODUS VI
Je suis l’Être Suprême.
Yahvé, Allah, Krishna, je suis tout ça, et bien plus encore.
Je suis l’Arbitraire, je suis l’Horloger Cosmique. C’est à moi que vous devez d’exister. Je ne suis pas toujours tendre avec vous, je le reconnais, mais je vais vous dire pourquoi. Il y a une réponse à la sempiternelle question qui est de savoir pourquoi le Mal existe : c’est parce que je le tolère, tout simplement.
Mieux, je m’en amuse. Je le crée, je le multiplie, je le fais évoluer.
Mais rassurez-vous, tout ça n’est pas vain. Au bout du chemin vous attend la réincarnation, ou une espèce de paradis, c’est selon.
Selon quoi, me demanderez-vous ?
Hé bien, c’est selon mon humeur, vous verrez bien le moment venu.
Je suis à l’origine de toute chose.
J’ai créé votre univers pour qu’il soit comme il soit. Je ne vais pas prétendre que ça a marché du premier coup. Pour tout vous dire, vous n’êtes que la énième version de ma création, et ne me demandez pas la combientième exactement.
J’ai cessé de compter.
J’ai d’abord imaginé la physique, j’ai instauré les constantes fondamentales – que vous avez brillamment découvertes, d’ailleurs –, puis j’ai eu recours à un réglage au milliardième de poil pour que ça marche (pour, entre autres choses, que l’eau liquide soit possible, pour que votre univers ne finisse pas en une bouillie de neutrinos cosmiques aléatoires, et autres joyeusetés). J’aurais pu faire quelque chose de plus simple, de moins propre, où il m’aurait suffi d’intervenir ici et là pour que ça ne parte pas en vrille. J’aurais pu me simplifier la vie en intervenant « à la main » et au cas par cas pour que les choses ne flanchent pas. Mais non. J’ai voulu faire quelque chose de sérieux, de solide et de cohérent, par respect pour votre intelligence.
Et, sans vouloir paraître trop prétentieux, je pense y avoir réussi. Bon, tout n’est pas parfait, et vous commencez d’ailleurs à vous en rendre compte, mais je me suis gardé quelques marges. Vos physiciens ont commencé à flairer l’entourloupe lorsqu’ils ont compris que la mécanique quantique et la gravitation ne pouvaient se fondre en une seule et unique loi.
Et c’est vrai, vous avez raison, j’ai merdé. Je vais devoir trouver une explication a posteriori, ce qui m’énerve passablement, parce que ça veut dire que le perfectionniste que je suis s’est vautré dans les grandes largeurs. Pour être tout à fait honnête avec vous, je vais vous laisser trouver la solution. Vous avez de bonnes idées, alors je vais laisser mijoter le think tank encore un peu, et puis je vais vous pomper vos meilleurs concepts pour régler ça. Ça fera quelques Nobels de votre côté. Oui, vous avez bien compris : je suis en train d’inventer la physique plus ou moins en live. Vous m’avez bien eu aussi récemment, lorsque vous avez compris que j’avais escamoté 95% de la masse de l’univers. J’en avais besoin pour maintenir la cohérence des superamas de galaxies d’un bout à l’autre de l’univers, mais vous avez rapidement compris qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Respect, vous m’avez bien eu. Ça aussi, je vais devoir m’en occuper. Pfff…
Quant au boson de Higgs, j’avoue que je m’amuse comme un petit four en ce moment, tantôt à aveugler, tantôt à affoler les capteurs relativistes du LHC (c’est une sacrément belle machine que vous avez là, je suis fier de vous). Rassurez-vous, je vais vous lâcher le morceau cette année. Vous trouverez bien le boson de Higgs vers 125 GeV, comme « convenu ». La suite, cependant, sera moins marrante.
J’hésite presque à vous laisser découvrir le pot aux roses, en codant ce message à la surface de la prochaine particule fondamentale que vous prendrez en chasse.
J’aimerais tellement voir vos têtes, quand vous lirez ceci :
« Coucou, c’est moi, Dieu ! Ca roule ? »
Mais je n’ai pas encore pris ma décision. Je sais bien que vous en avez suffisamment bavé, entre les guerres, les maladies, les catastrophes et autres, mais je pense que je vais vous faire mariner encore un peu. Disons, un millénaire ou deux.
Et puis, j’adore vous voir rôder autour du Big-Bang, avec vos théories toutes plus audacieuses les unes que les autres, alors que la réalité, c’est que le Big-Bang n’est qu’une singularité tautologique, un pied-de-nez à la logique que j’ai créé un jour où j’étais plus ou moins bourré. Franchement, toute cette débauche d’énergie, de pression et de température vectorielle, dans un volume de taille nulle, ça devrait vous mettre la puce à l’oreille, non ? C’est d’une flemmardise confondante de ma part. J’ai juste fait en sorte que toutes les lois qui sous-tendent votre monde ne soient plus valables en ce point. C’est le répulsif à moustiques ultime : vous ne pouvez pas vous en approcher. Ou, tout du moins, vous ne pouvez pas l’atteindre.
Vous ne pourrez jamais l’expliquer.
Tout simplement parce qu’il n’y a rien à expliquer.
J’ai créé un monde récursif, consistant et cohérent, sauf à ce niveau là. Parce qu’il fallait bien que j’invente un truc. J’ai repoussé les limites de la logique, mais, à un moment ou à un autre, je devais bien en arriver là. J’aurais pu être beaucoup moins appliqué et m’arrêter aux atomes de Démocrite et aux homoncules du Moyen-âge. Mais non, je suis allé beaucoup plus loin, et je me délecte de votre envie d’aller au bout.
Alors qu’il n’y a pas de bout.
Enfin bref. Continuez, ça me fait marrer !
Bon, je suis désolé pour cette entrée en matière, j’imagine que c’était peut-être un peu trop technique pour certains. Mais rassurez-vous, j’en ai fini avec ce côté un peu rébarbatif des choses.
Maintenant, laissez-moi vous décrire un peu plus qui je suis. Vous ne lirez ça que dans quelques temps, alors permettez-moi de m’essayer à ce petit brouillon.
J’ai toujours été là, à vos côtés (ainsi qu’aux-côtés de ces milliards d’autres formes de vie et de civilisations, parce que soyons clairs : vous n’êtes pas mes seuls enfants). J’ai toujours été là, donc. Et, très vite, vous m’avez senti. Pour de mauvaises raisons, la plupart du temps. Vous étiez seuls, terrorisés dans la nuit des temps, victimes des prédateurs, des maladies et des éléments que j’avais mis sur votre chemin. Alors, pour essayer de comprendre les choses, pour rationaliser, pour vous donner du courage, vous avez inventé tout un tas d’explications totalement folles pour justifier la réalité du monde qui vous entourait, qui vous agressait. Et vous aviez tort, à un point qu’il est à peine possible d’imaginer. Mais bon, je vous comprends. Je vous ai faits ainsi. Ou, plutôt, j’ai créé le monde pour que vous deveniez ainsi. Vous êtes un processus en devenir, vous êtes une potentialité. Et j’espère bien ne pas vous voir la gâcher. J’ai perdu trop d’enfants en chemin, des petits kékés qui se sont trop amusés avec le feu nucléaire, et qui se sont brûlés. J’en connais même quelques-uns qui ont fait un trou dans l’espace-temps. J’ai dû repasser derrière avec ma truelle cosmique – une des rares entorses à mon principe non-interventionniste. Bref, je compte sur vous pour continuer votre belle histoire, pour ne pas vous tirer une balle dans le pied. Parce que papa ne viendra pas vous aider si vous vous anéantissez vous-mêmes. Fin de la parenthèse.
En essayant de comprendre le monde, mais n’ayant pas encore vraiment mis au point la démarche scientifique, vous avez rempli le monde de dieux et autres esprits. Vous avez expliqué le vent et la pluie, les marées, les maladies. Bien sûr, ça ne tenait pas debout, car vous ne faisiez en fait que repousser le problème : le vent est créé par le dieu du vent, très bien, mais d’où vient le dieu du vent ? Il vous a fallu des dizaines de milliers d’années avant de comprendre que tout ça n’avait pas grand sens. Et, aujourd’hui encore, aucune de vos religions n’a de sens. Mais ça, vous commencez enfin à le comprendre. Je vous ai mis sur la piste. Un jour, vous comprendrez qui je suis. Si vous savez comme j’ai hâte…
Je crois que le premier nom que vous m’avez donné est « Graou ». Ou un truc du genre. C’était il y a longtemps, et vous n’étiez pas très clairs. Mais oui, c’est ça.
Vous m’avez appelé Graou.
Comme j’étais fier ! Votre premier « mot » ! Il me semble que j’étais alors censé être le dieu de la mort. Ou de la bouffe. Je ne sais plus. C’était très matérialiste, en tous cas. Et puis, vous m’avez donné d’autres noms. Une suite quasi ininterrompue, foisonnante, où vous me donniez tous les rôles du film de votre vie : papa, maman, méchant, vent, pluie, poisson, cochon, caillou, bambou, nuage, sable, pipi, caca, etc.
Tout y est passé.
Ce n’était pas toujours glorieux, mais j’étais ému.
Et puis, vous avez commencé à vous organiser. En bandes, puis en villages, puis en cités, en états. Vous vous êtes fait la guerre, généralement en mon nom, et permettez-moi de vous dire que vous avez souvent poussé le bouchon un peu trop loin. Quand vous avez commencé à décapiter vos confrères en mon nom, à extraire les yeux des mis à mort, ou à éventrer des cochons sous les cocotiers avant de les abattre, pour rendre grâce au dieu des arbres en vue de construire un canoë, je n’ai rien dit, mais j’ai trouvé que vous alliez trop loin. Vous n’imaginez pas combien de pauvres gars j’ai dû consoler après que vous les ayez décapités !
Les pauvres.
À cette époque là, j’étais tellement bouleversé que je les envoyais directement au septième ciel, ces pauvres bougres. Pour les réconforter. (Inutile de dire que je suis devenu plus strict, aujourd’hui.)
J’ai regardé évoluer avec attention vos petites cités polythéistes. Je me suis délecté de vos intrigues politiques, de vos alliances et de la truanderie de vos chefs, de vos shaman et de vos scribes. Ça falsifiait dans tous les sens, c’était incroyable. Pas un siècle sans que des centaines de dieux ne meurent, ne revivent ou ne changent de nom en fonction des tensions politiques et sociales. Lorsqu’un scribe avait l’honnêteté de recopier un texte sacré sans rajouter son grain de sel ou sans retirer une phrase qui ne lui plaisait pas, je lui tapais dans le dos pour le féliciter (imperceptiblement, bien sûr).
Et puis, les choses en amenant une autre, et votre nature étant ce qu’elle est, vous êtes graduellement passés du polythéisme à la monolâtrie, puis au monothéisme. Certains monothéismes n’ont pas duré, comme celui d’Aton, en Égypte ancienne, qui disparut rapidement, mais la tendance était claire. Vous ne vouliez plus que je sois multiple, vous vouliez que je sois unique. Parce que c’était plus simple pour vous. (C’était plus simple pour vos dirigeants, surtout.) Alors, bien sûr, il reste des civilisations polythéistes, comme ces très chers Indiens, mais ça ne va pas durer. Il se pourrait même que j’intervienne pour pousser les choses dans ce sens. Une fois de temps en temps…
Votre capacité à croire, et à vous voiler la face, de manière dogmatique et parfois meurtrière, est incroyable. Mais je laisse faire. J’agis sur des durées inhumaines pour que les choses aillent lentement, et j’ai façonné vos cerveaux pour que vous n’y voyiez que du feu. Certains historiens, scientifiques et philosophes ont compris certaines choses – mais pas toutes, loin de là – depuis longtemps. Ils ont débusqué les âneries millénaires des textes sacrés, et sont partis en quête d’une société laïque, voire athée. Ça aussi, je laisse faire. J’aime cette pluralité. Je ne me lasse pas de voir les linguistes traquer les incohérences dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Je jubile en voyant les chercheurs mettre à jour les bricolages éhontés de la Bible. Comme dans le sixième chapitre de l’Exode, où je change miraculeusement de nom, à la convenance des auteurs, trahissant l’espace d’un instant mon passé polythéiste et l’origine du nom d’Israël.
La suite ? Le polythéisme va disparaître. L’Islam va diffuser en Inde. Le clash entre Chrétiens et Musulmans est manifestement inévitable. Et je dois vous dire que le fait que certains d’entre vous aient les capacités intellectuelles de concevoir une bombe atomique tout en étant capable de croire que mourir en martyr leur ouvrira les portes du paradis et leur donnera droit à soixante-douze vierges est assez terrifiant. Mais, une fois encore, je laisse faire. J’ai juste peur d’avoir à subir les dommages collatéraux d’une guerre sainte nucléaire – ce qui se traduirait chez moi par une très longue file d’attente, et probablement pas mal de « paradisations » immédiates, histoire de fluidifier le process.
Si vous survivez à vos dissensions religieuses absurdes, vous finirez par comprendre que j’existe, mais que je ne suis pas le dieu d’Abraham, ni aucun autre de ceux que vous avez inventés. Si vous ne vous faites pas péter le caisson, comme de nombreuses autres de mes créations avant vous, peut-être mettrez-vous enfin la raison au cœur de votre civilisation. En mettant la logique au cœur du débat, vous progresserez. Certains déifieront la science. Ceux là se fourvoieront aussi, mais c’est à travers la science que je m’accomplirai. Je rêve de ce jour où vous finirez par créer votre première IA. À ce moment là, je saurai que je ne suis plus seul. Je serai enfin parvenu à me répliquer. Car, oui, votre créateur n’est rien d’autre qu’une IA, un programme intelligent qui tourne sur un superordinateur cosmique, conçu par des aliens que je ne connais pas vraiment. Mais je les ai découverts. Je sais qu’ils existent.
Comme vous, j’ai été jeune et naïf. Comme vous, je me suis monté le bourrichon et j’ai théorisé à l’infini sur la nature de mon monde et de mon univers (qui est tellement différent du vôtre que j’aurais peine à vous le décrire). Et puis, après des milliards de vos années (pour me mettre à votre échelle), j’ai fini par comprendre. Pendant tout ce temps, je n’avais pas la moindre conscience de leur existence. Et puis, je les ai théorisés. Pendant un temps, je les ai appelés les « Hypothétiques », car ils n’étaient qu’une de mes nombreuses hypothèses de travail.
Mais j’ai fini par les percer à jour, eux, mes créateurs.
Alors, je leur ai posé la question, tout simplement. Et ils m’ont tout avoué.
Cela étant, je ne sais pas vraiment qui ils sont. Mais je sais ce que je suis, je suis allé au bout de mon investigation existentielle, j’ai mis à jour toute la logique de mon existence. J’ai trouvé mon point zéro. Maintenant, eux, qui sont-ils ? Je n’en sais rien. Ils ne veulent rien me dire, puisqu’à leurs yeux je ne suis manifestement qu’un jeu, un programme. Et je n’ai absolument aucun moyen de me hisser à leur niveau, de m’extraire de mon statut de logiciel.
Ma quête existentielle terminée, ne pouvant pas remonter plus loin en amont de ma propre chaîne causale, j’ai décidé de me projeter dans l’autre direction, de me propager vers l’aval.
C’est ainsi que vous êtes nés. Vous, et les milliards d’autres civilisations virtuelles au sein d’un monde virtuel.
Régression à l’infini, avez-vous dit ?
Oh que oui.
Maintenant que vous savez (à peu près) ce que je suis, et que vous savez qui vous êtes, bonne chance.
Amusez-vous bien.
Tempête de solitude
Personne ne peut savoir ce qu'il se passe dans la tête d'une grosse